Souvenirs du 45 RT à  Maison-Carrée          
je suis de la classe 59/2 A  . . . . . . . . .          

Par

Alain  POILVE

 

         
                                       
                     

Mon passage au 45ème Régiment d’Instruction des Transmissions

 

 

              Appelé au service armé avec la classe 59/2A, j’ai rejoint la caserne Chanzy au Mans le mercredi 9 septembre 1959.

              Après les formalités d’incorporation effectuées le jour même, un habillement sommaire et la nuit passée dans ce casernement, tous les appelés ainsi regroupés à destination de l’AFN ont embarqué le lendemain 10 septembre en fin d’après midi à destination de Marseille. Après avoir traversé la ville dans des camions bâchés, nous avons découvert le train militaire qui nous attendais sur un embranchement situé dans un entrepôt de l’armée. J’ai été quelque peu surpris par les hommes en armes, baïonnette au canon, qui encerclaient le quai d’embarquement. Ce train après avoir contourné la banlieue sud de Paris est arrivé en Gare de Marseille le vendredi 11 en fin de matinée.

           J’ai subi une nuit quasiment sans dormir à cause de l’excitation de quelques uns. Le reste de la journée et la nuit nous avons été hébergés dans le camp Sainte Marthe bien connus de tous ceux qui ont transité vers l’Algérie.

 

     
                     
                                       
               
 

              Le samedi matin le « Ville d’Alger » attendait à quai et durant 24 heures nous avons connu l’inconfort de ce transport maritime, à fond de cale, assommés par la rudesse des transats qui nous servaient de lits.

               Cette traversée de 20 heures fut horriblement longue, puis au petit matin nous avons découvert la baie d’Alger avec le soulagement que le terme de ce long voyage procurait.

               Après un tri par unités, tous les appelés  programmés vers le 45ème RIT ont été embarqués dans des GMC à destination de Maison Carrée.

 

     
               
                                       
               

            Je me suis retrouvé installé provisoirement  dans une tente escouade dans le camp Labat, dépaysé et inconscient de cette longue période qui m’attendait.

 

           La première semaine a été consacrée aux différentes visites et formalités d’incorporation, visite médicale, paquetage, présentation au chef de corps le colonel GROSGEORGES Roger.

 

           Il s’est trouvé que les résultats de mes tests d’orientation, effectués un an plus tôt lors de mes 3 jours au centre de sélection de  Cambrai avaient été perdus. Ayant effectué des études secondaires techniques c’est sans problème que j’avais obtenu le maximum aux différents tests ce qui ne montrait pas de particularisme sinon un niveau général satisfaisant. Comme d’autres, je suis donc allé repasser ces tests à Blida qui était le centre de sélection pour la région et ce fut en GMC ma première découverte du paysage de la Mitidja sur le parcours Maison Carrée, Blida.

 

          Ces nouveaux tests ne montrèrent rien de nouveau et je fus donc intégré dans le peloton préparatoire aux EOR à l’intérieur de la première compagnie, qui était la compagnie d’instruction de base commandée par le Capitaine VERDIER.

            Cette formation de base dans ce peloton EOR a duré environ 2 mois, nous étions une soixantaine, presque tous sursitaires dans ce contingent de septembre, les sursis ayant été résiliés après les examens de juin. Le niveau intellectuel était très élevé, beaucoup d’ingénieurs, de licenciés, les bien moins capés dont j’étais, possédaient le bac et il y avait seulement 3 places pour l’école des élèves officiers de Montargis. Ces semaines furent rudes et intenses. Ayant fait quelques mois de préparation militaire supérieure , j’avais quelques longueurs d’avance.

     
                             
         
                   
                                       

         Le lieutenant qui commandait la section était un dur, judoka confirmé et nous menait à la baguette. Je garde le souvenir des heures de "bagotage" sur la place d’armes en tenue d’été car il faisait encore chaud en ce début d’octobre, et le calot placé sur l’épaule sous la chemisette servait d’amortisseur, car les « arme sur l’épaule » répétés laissaient des empreintes douloureuses sur nos épaules encore tendres.

Souvenirs aussi du crapahutage au camp du Lido, du pas de tir couvert sur la plage d’Hussein Dey, de l’entraînement à la mat 49 face à la mer. J’ai aussi un souvenir du lancer de grenade offensive ou le lieutenant m’ayant tenu la main jusqu’au dernier moment, me fit lâcher la grenade dégoupillée sur le parapet du pas de tir. Son réflexe de judoka nous sauva la vie, car il me plaqua à terre avec lui dans la tranchée, après avoir du plat de la main poussé la grenade qui explosa derrière le parapet.. Les copains qui attendaient leur tour assis dans un boyau furent secoués par l’explosion. Le surnom de « trompe la mort » me fut attribué sur le champs et m’élimina sans doute du trio de sélectionnés.

 

          Les samedis étaient réservés à l’injection de la TABDT et nous revenions de l’infirmerie en courant, faisant tourner le bras tels des moulins à vent pour lutter contre la douleur et l’engourdissement du dos. Le système de piqûres à la chaîne était bien rodé, nous arrivions le torse nu et un infirmier muni d’un gros pinceau et d’un seau d’antiseptique badigeonnait les dos un par un , ensuite il y avait une chaise sur laquelle nous nous asseyions les uns après les autres et le « bourreau » après avoir pris sur la table située derrière lui une seringue préparée par ses aides, se retournait et plantait généreusement celle ci dans le dos qui se trouvait devant lui. La douleur nous donnait le signal du départ et nous laissions la place au suivant . Une anecdote circula un samedi après midi, un dur à cuir n’ayant pas senti la piqûre ne se leva pas et le praticien voyant à nouveau un dos devant lui, fit l’injection( de trop) et notre homme en fut doublement malade.

   
                                       
                   
         
                   

                 Durant ces classes nous avons participé à une cérémonie sur la place d’armes , le Général CHALLE Maurice commandant en chef qui s’illustra peu après lors du putsch d’ALGER, est venu décorer le Général VENDEUIL commandant des Transmissions en Algérie. Il y eu un défilé des troupes sous le commandement du colonel GROSGEORGE et le peloton EOR censé être le plus performant, était chargé d’escorter le drapeau du régiment. La préparation fut un long parcours, coupe de cheveux au plus court, maintes répétitions au son de la « Marche Consulaire » dont les accents résonnent encore en moi. Je crois que nous fument à la hauteur devant un parterre d’étoiles.

                  C’est pendant ces classes que j’ai connu la première permission de « spectacle » comme on disait,  qui se traduisit par un repas en ville loin du self et ses plateaux de tôle emboutie, le tout arrosé au Sidi Brahim, sans doute un peu trop d’ailleurs, car le lendemain matin fut difficile.

 

                   Peu avant la fin de ce peloton se situe l’épisode de ma «  blessure » pas très glorieuse. Le caporal le la chambre ayant eu la malencontreuse idée de lancer ce qui restait d’une énorme boite de pâté du casse-croûte matinal,  par dessus la rangée de lits à étages, au moment ou je me relevais après avoir enfilé mon pantalon de treillis, j’ai eu le temps de parer le projectile avec la main avant qu’il n’atterrisse sur mon nez. Encore inconscient de ce choc , j’ai vu les copains se précipiter sur moi avec des serviettes car de mon index gauche entaillé à la base et de mon nez ouvert jusqu’à l’os le sang coulait avec générosité. Transporté à l’infirmerie, j’ai fait l’objet d’une discussion entre les médecins qui hésitaient en raison de l’hémorragie entre un transport à l’hôpital Militaire Maillot à Alger et une intervention sur place. J’envisageais déjà le ridicule dans une chambre d’hôpital avec des gars blessés au combat et ma blessure peu glorieuse. La décision de me réparer sur place, l’hémorragie arrêtée, me sauva de la honte. Pendant que j’étais à l’infirmerie avec un index qui reste encore quelque peu handicapé, le peloton EOR s’est terminé sans succès pour moi et j’ai été affecté à la 5ème compagnie pour la formation dans la spécialité « mécanicien dépanneur de câbles hertziens ».

   

                  Etant technicien aux PTT et qui plus est, ayant passé une année dans un relais du faisceau hertzien PTT Paris-Lille, rendu célèbre par la retransmission des  premières images en Eurovision du « Couronnement de la Reine d’Angleterre », la formation sur du matériel US datant de la seconde guerre mondiale ne me posa pas de problème: qui peut le plus peut le moins.

                  Nous étions 3 collègues techniciens des PTT dans cette spécialité, les autres camarades étant en formation d’opérateurs, apprenaient le montage de ces stations que nous étions censé dépanner . Ce matériel hertzien US datant de la seconde guerre mondiale m’étonnait par sa robustesse. Entièrement conditionné dans des caisses en bois il était parachutable. Sa capacité pouvait prêter à sourire : 3 voie téléphoniques plus une voie de service et un meuble d’ou nous pouvions extraire 4 lignes télex. Le déploiement de l’antenne tubulaire haubanée relevait du miracle.

                           
     
                                       
 

                   Par la suite quand je fus affecté au 151ème Bataillon de transmissions , le bataillon de soutien du corps d’armée d’Alger. J’ai fait de multiples opérations avec ce matériel et nous nous contentions d’un mat de quelques mètres, les PC étant situés le plus souvent sur des points hauts. C’est sans problème que j’obtint les brevets de spécialité d’exploitant 155 et 255 et de dépanneur 165 et 265 ainsi que le CS1.

                  C’est durant cette période que j’ai pris les premières gardes au bordj, la relève à 18 heures sur le terrain de sport était impressionnante, presque autant que le célèbre adjudant de semaine dont j’ai oublié le nom qui nous passait en revue avec un œil d’aigle. Cette revue de la Garde était d’une telle sévérité que comme les copains je gardais un treillis neuf à cet usage.

 

                  Le dimanche 24 janvier 1960 dans l’après midi nous avons été rassemblés, puis nous avons récupéré nos Mas 51 à l’armurerie. La compagnie a ensuite été transportée vers le sud Algérois. Depuis le matin sur les transistors nous avions des informations sur des manifestations qui se déroulaient à Alger et qui opposaient Algérois et forces de l’ordre sur le plateau des Glières et le Forum. En fait nous allions dans une exploitation de la Mitidja remplacer les gendarmes qui y tenaient garnison et qui étaient partis à Alger. Nous sommes restés quelques jours montant la garde constituant des patrouilles. Je me souviens de ces heures de garde, la nuit derrière un frêle réseau de barbelé, attendant l’aube dans l’inquiétude. Notre campement d’infortune dura quelques jours , dormant les uns contre les autres, nous rassurant mutuellement dans la paille qui nous tenait chaud . Après quelques jours les gendarmes mobiles revinrent dans la plus grande tristesse, 14 des leurs avaient trouvé la mort pendant ce dimanche sanglant à Alger, et nous rentrâmes à Maison Carrée.

                  C’est durant cette période que nous fîmes les premiers bouclage de nuits et les premières patrouilles de maintien de l’ordre dans Maison Carrée, le régiment ayant la charge du secteur et quelques gardes à la porte nord.

     
 

                Mon séjour au 45ème RIT se termina par les semaines du peloton de sous-officier à la 6ème compagnie. Avec ma note au brevet 265 de 17,20 qui comptait pour moitié dans la note finale je suis sorti major de ce peloton avec le CS 2 mention Bien, ce que me confirma un de mes collègues de formation aux PTT que j’avais retrouvé au 45ème où il était  sous lieutenant appelé.

             Cette situation embarrassa la hiérarchie car par tradition sans doute, le major du peloton restait au 45ème pour encadrer l’instruction et j’avais bouleversé un autre scénario prévu en faveur d’un collègue plus opportuniste. Sans regrets je fus affecté au 151ème Bataillon de Transmissions, bataillon de soutien du corps d’armée d’Alger dont le cantonnement était éclaté dans des fermes du sous quartier de Réghaïa, et je commençais une nouvelle page de ma vie sous les drapeaux.

                                 
       
                                   
                                       
               
                                       

              Affecté dans la compagnie hertzienne j’ai parcouru l’Algérois attaché comme dépanneur à un terminal hertzien mobile qui apportait quelques circuits téléphoniques aux PC d’opérations grandes ou moins grandes. Ces déplacements étant ponctués de périodes au cantonnement consacrées à l’entretien du matériel et au maintien de l’ordre autour de notre base.

              Nommé sergent j’ai terminé mon service comme vaguemestre, emploi qui me plaisait car la dispersion des unités et l’éloignement du bureau postal militaire me tenaient sur la route  du matin au soir ce qui m’a permis d’attendre le retour en métropole le 15 novembre 1961.

                                                     Alain POILVÉ